Au secours, il ne veut rien manger !

Publié le : 14 mai 202012 mins de lecture

Qu’il refuse de manger ou chipote ses haricots verts, et nous voilà toutes crispées, inquiètes, prêtes à en découdre avec le monde entier pour qu’il en avale seulement une bouchée ! Cris, menaces ou persuasion n’y changent rien.

Pourquoi trouvons-nous à ce point insupportable qu’il mange mal ? “Parce que donner à manger, c’est donner de l’amour ; et que ce refus de l’enfant porte atteinte à l’image de la bonne mère nourricière à laquelle nous sommes toutes sensibles“, répond la psychologue Anne Bacus. Entre 2 et 6 ans, l’enfant est particulièrement difficile à table, c’est vrai, parce que les repas cristallisent un certain nombre d’enjeux affectifs propres à cet âge, et aussi – ce dont on parle moins – parce que ses goûts sont bien différents des nôtres, ce que démontre Nathalie Rigal, psychologue et chercheuse, spécialiste du goût chez l’enfant.

Au secours, il ne veut rien manger !

On dirait deux mêmes pôles d’aimants se repoussant mutuellement : plus on approche la cuillère de sa bouche, plus le tout-petit détourne la tête… Après tout, il n’a pas forcément faim à tous les repas ! Passé 18 mois d’ailleurs, sa croissance se ralentit un peu et son appétit également. Mais si le même scénario se reproduit jour après jour, son comportement à table est sûrement à mettre en relation avec d’autres refus quotidiens : “non, pas mon manteau !“ ; “Non, pas le bain !“. Le voilà en pleine crise d’opposition, dite également “d’affirmation de soi“, par les spécialistes. Classique entre 2 et 5 ans… Et si les repas sont l’un de ses terrains d’affrontement privilégiés, c’est parce que ce petit malin a fort bien compris qu’il touche là un point sensible. Non seulement il nous mobilise autour de son assiette, mais en plus il parvient à nous tenir tête. Quelle victoire ! C’est bien nous qu’il cherche ainsi à “manipuler“, car à la crèche, chez la nounou ou à la cantine de la maternelle, on assure qu’il mange sans problème. Avec mamie, il ne fait pas tant d’histoires également ! Les enjeux affectifs ne sont pas les mêmes…

Qu’est-ce qu’on fait ?

• on dédramatise : un enfant ne se laisse pas mourir de faim. D’ailleurs, comme le note Anne Bacus, “quand on dit que son enfant ne mange rien, c’est qu’il a refusé de manger les plats qu’on avait préparés pour lui. Mais à côté, il a bu 2 ou 3 bibs de lait, croqué quelques lamelles de pomme, un morceau de pain, dégusté une compote… En réalité, il n’a pas “rien“ mangé !“.
• on adopte la stratégie du “no comment“ : il n’en veut pas ? D’accord, on débarrasse son assiette sans rien dire et on passe au plat suivant. Moins on manifeste d’inquiétude, plus vite il cessera de jouer avec nos nerfs… (d’ailleurs, après quelques jours passés à “picorer“, la faim finira par reprendre le dessus!). “On ne devrait même pas le féciliter quand il mange bien : après tout c’est normal, et il ne doit pas se nourrir pour nous faire plaisir !“, remarque Anne Bacus.
• on l’encourage à se débrouiller seul avec sa cuillère, à se servir lui-même à mesure qu’il grandit… un petit “truc“ : disposer sur la table plusieurs plats remplis de petites portions de crudités, de fruits et autres dans lequel il pourra puiser. Avec les doigts, c’est encore meilleur…
• on en parle quand même au pédiatre afin qu’il surveille sa courbe de poids mais, dans la plupart des cas, celle-ci ne varie pas et l’enfant est en pleine forme ! Preuve qu’il parvient assez facilement à se « rattraper » à droite et à gauche.

Des frites oui, des haricots verts, non !

Somnolence, perte brutale d’appétit, nausées, tels sont les symptômes d’une inquiétante épidémie qui frappe les enfants à l’instant même où un plat de légumes arrive sur la table. A noter que ces symptômes disparaissent au moment du dessert, et que les classiques nouilles-frites-purée suscitent en revanche un indéfectible enthousiasme…
Certes, il y a un brin d’opposition dans l’explication de ce phénomène. Mais pas seulement ! Ce que nous avons tendance à qualifier de “caprice“ ou de “comédie“ porte un nom tout à fait scientifique : la “néophobie alimentaire“. Autrement dit, une méfiance touchant à l’aversion pour tout aliment nouveau, qui touche environ 3 enfants sur 4 de l’âge de 2 ans à, au mieux, 7-8 ans, au pire… toute la vie ! “Les petits sont naturellement portés vers les aliments énergétiques à la flaveur peur marquée et qu’ils connaissent bien. Ils aiment le nourrissant (pain, purée, pâtes…), le gras (les frites…) et le sucré“, explique Nathalie Rigal. Et détestent ce qu’ils ont du mal à identifier (la ratatouille: le summum de l’horreur !).
Pour compliquer encore un petit peu les choses, l’enfant a également très tôt ses idées très personnelles sur ce qui est bon ou pas. Pas facile à accepter quand on a passé du temps à cuisiner ! “Le goût est en partie inné, explique Nathalie Rigal. Par exemple, nous ne percevons pas tous avec la même intensité la molécule PROP, désagréable en bouche, particulièrement présente dans les choux. Quand on y est très sensible, on rejette ces légumes.“. Un rejet qui peut se manifester par d’impressionnants hauts de cœur. Non, non, ce n’est pas de la comédie !

Qu’est-ce qu’on fait ?

• On ne baisse pas les bras et l’on continue à lui présenter les mêmes plats à quelque temps d’intervalle en l’encourageant à y goûter au moins une fois avant de dire non. C’est grâce à ce processus de familiarisation, ajouté à l’envie de faire comme nous, que le tout petit parviendra progressivement à dépasser ses aversions.
• on cultive sa curiosité en l’emmenant au marché tâter les courgettes, les melons, les poires…
• on l’invite dès 2 ans à nous donner un petit coup de main en cuisine et on lui apprend des recettes faciles, ou des décos rigolotes : il aura davantage envie de goûter ce qu’il aura lui-même préparé !
• on parle avec lui des sensations de plaisir ou déplaisir apportées par les aliments : “ça fond, ça croque, c’est salé, sucré, amer…“. Et l’on oublie l’éducation nutritionnelle du type : “Mange, c’est riche en vitamines A, B6 et en potassium“. Cela n’a pas de sens pour lui.

Les repas ? Bonjour l’ambiance…

Au rythme des “j’en veux pas“, “berk ! c’est pas bon !“, on s’inquiète, on stresse, le papa s’énerve… Et quand on parvient à lui enfourner un petit morceau de viande, il mastique interminablement sans se décider à l’avaler (normal : ça le dégoûte et, en plus, c’est dur pour ses petites dents !). On crie, on menace, on punit, rien y fait ! La galère… “Notre énervement est proportionnel à notre inquiétude, elle même nourrie de notre propre histoire alimentaire quand on a appris, par exemple, que ce n’est “pas bien“ de jeter, de ne pas finir son assiette…“, note Anne Bacus.

Qu’est-ce qu’on fait ?

• on met fin l’engrenage : plus on se focalise sur son comportement, plus l’enfant résiste et se braque. Ou bien, il obtempère sous la contrainte et mange entre deux sanglots désespérés… ce qui a pour fâcheuse conséquence d’associer dans son esprit nourriture et conflit… Or, comme le rappelle Anne Bacus : “On ne peut pas apprendre à bien manger sans y avoir de plaisir.“
• on cultive ce plaisir, justement: on prend le temps de manger ensemble (télé éteinte), dans de jolies assiettes, on bavarde, on échange… et l’on patiente !
• on évite tout ce qui nous rapproche du conflit : menaces, punitions, chantage… Le priver de dessert ne sert à rien, au contraire : changer de plat peut relancer l’appétit ; et aussi, bien sûr, toute forme excessive de grignotage entre les repas.

Il a tout le temps faim, j’ai peur qu’il devienne gros

Les variations de l’appétit sont grandes mais pour autant “il ne faut pas penser que qu’un enfant petit mangeur est forcément petit, ni qu’un gros mangeur est forcément gros. Certains enfants se dépensent tout simplement beaucoup plus que d’autres et/ou ont une forte musculature, d’où des besoins énergétiques plus importants. Il n’y a pas de boulimie chez les jeunes enfants“, rassure Nathalie Rigal. Plus embêtante est la “gloutonnerie“ dont font preuve certains petits, et ce dès la naissance quand ils avalaient leur bib’ en 3 minutes chrono. Or, manger trop vite conduit à manger trop, l’estomac n’ayant pas le temps d’informer le cerveau qu’il est arrivé à saturation.

Que faire ?

• essayer de le ralentir en lui servant des portions plus petites, en l’encourageant à prendre son temps et en lui montrant l’exemple.
• ne jamais lui parler de son poids, c’est non seulement inutile, mais super culpabilisant.

Il déteste le lendemain ce qu’il a aimé la veille

Souvent l’enfant varie dans son appétit, bien fou est qui s’y fie ! De quoi en perdre son latin culinaire quand cette purée-maison qu’il avait adorée un jour suscite à présent une grimace de dégoût ! N’y aurait-il pas là une petite pointe d’opposition à notre égard ? Si, bien sûr, mais pas seulement : “Par rapport à la nourriture, les jeunes enfants sont guidés par l’aspect sensoriel des aliments, et leurs envies varient en fonction de leur état interne. Par exemple, si l’enfant a été malade après avoir mangé des carottes, même si celles-ci ne sont pas en cause et qu’il les adorait auparavant, il refusera ensuite d’en manger.“

Qu’est-ce qu’on fait ?

• même attitude que pour les légumes : on insiste pas, et l’on attend quelques semaines avant de lui représenter le plat sans en modifier l’aspect : un brin de persil sur sa purée, et c’est l’échec assuré !

• c’est le lait qu’il n’aime plus ? Sans doute s’agit-il alors d’une intolérance au lactose qui s’installe en grandissant. Pas de remède miracle, on conseille généralement de diminuer les quantités de lait et de compenser avec les yaourts, les fromages, les gratins…, moins riches en lactose. Mais le plus sage est avant tout d’en parler avec le pédiatre.

Pour aller plus loin

• “Le livre de bord de votre enfant de 1 an à 3 ans“, Anne Bacus (Marabout)
• “La naissance du goût“, Nathalie Rigal

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