
Face aux images et aux récits d’une crise humanitaire, trouver les mots justes pour un enfant semble une tâche insurmontable. La tentation est grande de se taire pour le protéger, ou au contraire de le submerger de faits complexes. Pourtant, l’enjeu n’est pas d’expliquer la géopolitique, mais de construire une boussole morale. L’approche la plus solide consiste à partir de ce que l’enfant connaît – l’injustice, le besoin de sécurité – pour l’amener à comprendre la notion d’humanité partagée, puis à canaliser son empathie naissante vers une solidarité concrète. C’est dans ce contexte que des organisations œuvrent pour répondre à l’urgence humanitaire en Palestine et soutenir les populations civiles, en particulier les enfants.
L’approche humaniste en 4 étapes
- Partir des valeurs universelles : Ancrer la discussion dans les droits fondamentaux de l’enfant (sécurité, nourriture, jeu).
- Choisir un récit adapté : Utiliser des analogies et des supports culturels pour humaniser sans politiser.
- Transformer l’émotion en action : Canaliser l’empathie vers des gestes solidaires concrets et pédagogiques.
- Inscrire le dialogue dans la durée : Accompagner l’enfant sur le long terme en validant ses émotions et en cultivant l’ouverture.
Poser les fondations avant les faits : des droits de l’enfant à la notion d’humanité
Avant d’évoquer un lieu ou un conflit, il est essentiel de partir du monde de l’enfant. Une dispute dans la cour de récréation, la peur du noir ou le plaisir d’être en sécurité à la maison sont des expériences universelles. Ces situations sont le point de départ idéal pour introduire les concepts d’injustice, de sécurité et de besoins fondamentaux. Sans mentionner immédiatement la Palestine, on peut présenter les droits de l’enfant comme une grille de lecture simple et accessible.
Qu’est-ce qu’une crise humanitaire pour un enfant ?
C’est une situation où des enfants, comme lui, sont privés de leurs droits les plus essentiels : avoir un abri sûr, de la nourriture, des soins médicaux, et même le droit de jouer et d’aller à l’école.
La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) garantit à chaque enfant le droit à la protection, à l’éducation et à la santé. Expliquer que partout dans le monde, des adultes œuvrent pour que ces droits soient respectés permet de poser un cadre rassurant. C’est seulement ensuite que l’on peut définir ce qu’est une « crise humanitaire » : un moment où, dans un endroit du monde, des enfants se retrouvent privés de ces besoins essentiels. Malheureusement, plus d’un enfant sur six dans le monde, soit 473 millions, vit dans une zone touchée par un conflit armé.

Cette image illustre parfaitement le socle sur lequel bâtir la discussion. Le droit à un toit, à une alimentation suffisante, aux soins et au jeu n’est pas un privilège, mais un besoin universel. En reliant ces concepts au vécu de l’enfant, on crée une connexion émotionnelle forte, une base d’empathie qui prépare à comprendre la souffrance de l’autre sans être submergé par la peur.
Impact des conflits sur les droits fondamentaux des enfants
En 2024, les droits des enfants ont été sérieusement menacés. D’après une analyse, des milliers d’entre eux se sont vu refuser l’accès à l’éducation, à la santé et à la protection. Les crises les plus graves concernent les conflits croissants en Palestine, au Soudan, au Sahel et au Liban, qui ont provoqué des décès chez les enfants, des déplacements et de profonds traumatismes psychologiques.
Bâtir un récit adapté : choisir les mots justes et les supports pour expliquer
Une fois la fondation empathique posée, l’étape suivante consiste à aborder la situation avec des mots et des images qui informent sans traumatiser. L’objectif n’est pas de simplifier à l’extrême, mais de se concentrer sur l’impact humain plutôt que sur la complexité géopolitique. Une analogie, comme celle de « deux familles qui se disputent une même maison depuis très, très longtemps, et les enfants au milieu ne peuvent plus jouer tranquillement », permet de visualiser la situation sans désigner de « méchants ».
Le conflit entre Israël et l’État de Palestine est très complexe, et même les adultes ont parfois du mal à le comprendre et l’expliquer. Les origines de cette guerre remontent à plus de 70 ans. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Palestine est partagée en deux États : Israël et l’État de Palestine qui comprend la bande de Gaza. Pour résumer, cela veut dire qu’il y a une terre pour deux peuples différents.
– UNICEF France, Comment parler aux enfants du conflit Israël-Palestine
Pour contrer la déshumanisation souvent présente dans les médias, il est crucial d’humaniser avant d’informer. Proposer des supports concrets comme des livres jeunesse, des contes, ou même des recettes de cuisine palestinienne permet de découvrir la richesse d’une culture, les traditions et la vie quotidienne des gens. Cela crée un lien affectif et rappelle que derrière les chiffres se trouvent des familles, des enfants avec leurs propres rêves et leurs propres jeux.

Explorer ces symboles du quotidien transforme une actualité lointaine en une réalité humaine et tangible. Cela aide l’enfant à se connecter à l’autre non pas par la pitié, mais par la curiosité et la reconnaissance d’une humanité commune. Face aux questions difficiles (« Qui a raison ? », « Pourquoi personne ne les aide ? »), il est important d’orienter la réponse vers la souffrance partagée des civils et le désir universel de paix.
L’approche doit évidemment être calibrée en fonction de l’âge et de la maturité de l’enfant, en utilisant un langage et des concepts qu’il peut assimiler.
| Groupe d’âge | Approche recommandée | Mots clés à utiliser |
|---|---|---|
| 3-5 ans | Utiliser des histoires simples et des métaphores avec des objets concrets du quotidien | Sécurité, aide, famille, protection |
| 6-8 ans | Encourager les questions, utiliser des exemples locaux et proches, maintenir l’optimisme | Amitié, différences, aide mutuelle, solutions |
| 9-12 ans | Donner des informations factuelles simples, valider les émotions, encourager l’action | Droits, justice, solidarité, contribution |
| 13+ ans | Permettre des discussions nuancées, explorer les contextes historiques et géopolitiques | Contexte historique, géopolitique, responsabilité civique |
Enfin, il est primordial de protéger les enfants d’une surexposition aux images violentes et anxiogènes des médias en continu. Il est conseillé de suivre quelques règles simples pour accompagner leur bien-être psychologique.
Conseils pour accompagner les enfants face aux actualités inquiétantes
- Limiter l’actualité en continu : éviter l’exposition permanente aux informations alarmantes pour protéger le bien-être psychologique.
- Se concentrer sur l’action et le positif : canaliser les préoccupations vers des actions constructives plutôt que de rester dans l’inquiétude passive.
- Favoriser une perception réaliste des risques et du contexte : aider l’enfant à comprendre que la situation, bien que grave, peut être comprise et que des solutions existent.
- Respecter les besoins de l’enfant : adapter les explications à son âge, sa maturité et sa capacité d’écoute sans anticiper des peurs inexistantes.
De l’empathie à l’engagement : transformer l’émotion en action solidaire
Une fois l’empathie éveillée, il est naturel que l’enfant ressente de la tristesse ou un sentiment d’injustice. Laisser ces émotions sans exutoire peut générer de l’anxiété. Le rôle du parent est de les canaliser vers des actions constructives et à l’échelle de l’enfant. Réaliser un dessin pour la paix, écrire un poème ou participer à une petite collecte locale sont des gestes qui transforment un sentiment d’impuissance en une force positive.

L’acte de créer ensemble, comme le montre cette image, est une métaphore puissante de la solidarité. Il matérialise l’idée que chaque geste, même modeste, contribue à « réparer » ou à « construire » quelque chose de positif. En effet, il est prouvé que les enfants qui participent à des actions solidaires développent un sens profond de responsabilité sociale et deviennent des acteurs du changement.
Le don financier à une ONG peut aussi devenir un acte pédagogique puissant. Plutôt que de donner de l’argent de manière abstraite, il faut expliquer concrètement à quoi il servira : « Avec cette somme, une organisation pourra acheter une tente pour abriter une famille » ou « cela permettra de financer des médicaments pour un dispensaire ». Rendre l’impact tangible donne du sens au geste et renforce le sentiment d’efficacité personnelle de l’enfant.
Idées d’actions solidaires pour les enfants
- Organiser une vente de gâteaux ou produits faits maison dont les bénéfices iront à une cause humanitaire.
- Participer à un cross caritatif ou à un événement sportif dont les frais d’inscription sont reversés.
- Mettre en place une kermesse ou tombola festive rassemblant la communauté scolaire.
- Créer une performance artistique (concert, pièce de théâtre, soirée des talents) dont les recettes soutiennent une organisation.
- Lancer une collecte de matériels (vêtements, fournitures, hygiène) destinée à des personnes en difficulté.
- Transformer le don en acte pédagogique : expliquer concrètement à quoi servira chaque euro versé à une ONG.
À retenir
- Construisez l’empathie sur des valeurs universelles (sécurité, jeu) avant d’aborder les faits complexes.
- Utilisez des analogies et des supports culturels pour humaniser le récit et éviter la politisation.
- Canalisez les émotions de l’enfant vers des actions solidaires concrètes et adaptées à son âge.
- Acceptez de ne pas tout savoir et faites de cette discussion le début d’un dialogue familial continu.
Inscrire le dialogue dans la durée : accompagner l’enfant (et soi-même) après la discussion
Parler d’une crise humanitaire ne doit pas être un événement unique, mais le début d’un dialogue continu. Il est crucial d’accompagner l’enfant après la conversation, mais aussi de gérer ses propres émotions de parent. Accepter de ne pas avoir toutes les réponses et oser dire « je ne sais pas, mais nous pouvons chercher ensemble » est une posture saine qui renforce la confiance. Veiller à ne pas projeter sa propre angoisse est essentiel, surtout quand on sait que l’inquiétude des jeunes face aux conflits mondiaux a fait grimper à 31% leur niveau d’angoisse.
L’écoute active est essentielle pour favoriser les relations positives entre les membres de la famille. Un moyen efficace qui favorise des relations familiales positives et chaleureuses consiste à écouter et parler avec votre enfant de manière régulière, et ce, même dans les moments difficiles. En faisant cela, vous montrez également à votre enfant les habiletés relationnelles nécessaires pour bien communiquer avec les autres.
– Cap Santé Mentale, Communication parent-enfant
Cette conversation est une opportunité de poser les fondements de la parentalité bienveillante : une parentalité qui encourage l’esprit critique face aux images et aux informations. C’est aussi une occasion pour développer son ouverture au monde et sa conscience citoyenne. Pour que ce dialogue s’ancre dans le quotidien, des rituels familiaux peuvent être de précieux alliés.
Instaurer des rituels simples permet d’inscrire la solidarité et l’ouverture au monde dans le quotidien familial sur le long terme, transformant une discussion ponctuelle en une valeur vécue.
| Type de rituel | Fréquence | Objectif pédagogique |
|---|---|---|
| Bougie de la paix allumée en famille | Une fois par semaine | Cultiver la réflexion commune sur la paix et la responsabilité collective |
| Lecture du soir sur l’entraide et les valeurs | 2-3 fois par semaine | Partager des histoires renforçant l’empathie et les valeurs solidaires |
| Budget familial mensuel dédié à une cause | Mensuel | Impliquer l’enfant dans les décisions généreuses et les rendre tangibles |
| Discussion en famille sur l’actualité | Hebdomadaire | Valider les émotions et développer la pensée critique face aux informations |
| Projet créatif pour la paix (dessin, poème) | Selon l’inspiration | Permettre l’expression émotionnelle et la canalisation constructive des sentiments |
Questions fréquentes sur l’éducation à la solidarité
Comment savoir si mon enfant est trop stressé par ces discussions ?
Observez les changements de comportement : problèmes de sommeil, retrait social, irritabilité accrue ou anxiété manifeste. Si l’angoisse dépasse les capacités de l’enfant à y faire face, réduisez l’exposition aux actualités et consultez un professionnel.
Faut-il absolument en parler si mon enfant ne pose pas de questions ?
Non. Les enfants posent des questions quand ils sont prêts. Prêtez attention à ce qu’ils savent déjà et attendez les occasions naturelles pour en discuter. Éviter d’anticiper les peurs.
Que faire si je ne connais pas toutes les réponses ?
Dites-le à votre enfant. C’est une excellente opportunité de lui montrer qu’on peut chercher ensemble : ‘Je ne sais pas, mais nous pouvons découvrir cela ensemble.’ Cela renforce la confiance et modélise l’apprentissage continu.
Comment maintenir le dialogue au-delà d’une première conversation ?
Établissez des points de suivi réguliers. Quelques jours ou semaines après la discussion initiale, demandez à votre enfant ce qu’il en pense maintenant, ce qu’il a ressenti ou compris, et comment il se sent. Cela valide ses émotions et permet d’ajuster le discours.
Existe-t-il des ressources créatives pour explorer le sujet en famille ?
Oui : livres jeunesse adaptés à l’âge, documentaires pédagogiques, activités artistiques (dessin, création), jeux coopératifs, ainsi que des podcasts conçus pour les enfants abordant l’actualité de manière accessible.